Le livret des contre-exemples

Bonjour,

nous le savons tous : les contre-exemples jouent un rôle fondamental dans notre discipline. Voilà donc un fil qui leur est dédié !

Pour toute contribution, veuillez trouver un titre explicite afin de faciliter la recherche dans le sommaire suivant (qui sera mis à jour régulièrement) :

Analyse

[ul]
[li] #2 : Des fonctions continues nulle part dérivables[/li][li] #3 : Fonctions infiniment dérivables non analytiques[/li][li] #9 : Séries convergentes mais dont le produit de Cauchy ne converge pas[/li][li] #10 : Fonction intégrable sur [TEX]\mathbb{R}^+[/TEX] mais admettant une sous-suite tendant vers [TEX]+\infty[/TEX][/li][li] #15 : Un contre-exemple à l'unicité des solutions pour une équation différentielle ordinaire[/li][li] #16 : Fonctions de classe [TEX]\mathcal{D}^n[/TEX] mais pas [TEX]\mathcal{D}^{n+1}[/TEX][/li][li] #18 : Une application continue, bijective à réciproque non continue[/li][li] #19 : Exemple d'un homéomorphisme de classe [TEX] \mathcal{C}^1[/TEX] qui ne soit pas un [TEX] \mathcal{C}^1[/TEX]-difféomorphisme[/li][li] #20 : Fonction jamais monotone[/li][li] #21 : A propos des caractères continu, uniformément continu et lipschitzien des fonctions[/li][li] #23 : Convergence simple/uniforme de suites de fonctions[/li][li] #26 : Fonction réelle additive non linéaire[/li][li] #27 : Fonction réelle non mesurable Lebesgue[/li][/ul]

Algèbre

[ul]
[li] #4 : Anneau intègre noethérien non factoriel[/li][li] #5 : Un cas où la décomposition de Dunford ne fonctionne pas[/li][li] #11 : Corps de caractéristique finie mais de cardinal infini[/li][li] #13 : Exemple de polynômes non nuls admettant un nombre de racines strictement supérieur à leur degré[/li][li] #14 : Morphisme simplifiable à droite qui n’est pas une surjection[/li][li] #22 : Polynôme non nul ayant une infinité de racines.[/li][li] #25 : Différence entre polynôme et fonction polynomiale[/li][li] #34 : Anneau principal non euclidien[/li][/ul]

Topologie

[ul]
[li] #6 : Un ensemble connexe mais non connexe par arcs[/li][li] #7 : Un ensemble connexe mais non connexe par arcs (bis)[/li][li] #8 : Espace localement compact non séparé[/li][li] #12 : Une fonction continue de la boule unité dans elle-même n'admettant aucun point fixe[/li][li] #17 : Espace de Baire non complet[/li][li] #24 : La complétude est une notion strictement métrique.[/li][li] #28 : Espace connexe non localement connexe[/li][li] #29 : Espace contractile en un point mais non contractile en un autre.[/li][li] #33 : Complété d'un connexe par arcs non connexe par arcs[/li][li] #38 : Anneau factoriel non principal, anneau factoriel non noethérien[/li][li] #40 : Automorphisme de C non continu[/li][/ul]

Logique

[ul]
[li] #39 : Il n'existe pas de théorie logique classique du premier ordre dont les modèles sont les groupes de torsion[/li][/ul]

Bien à vous.

[18/11/06] MàJ : Le sommaire a été découpé en trois parties pour en faciliter la lecture.
Grâce à vous, le fascicule devient livret. ;)

Des fonctions continues nulle part dérivables.

Soient [tex]a[/tex] et [tex]b[/tex] deux nombres réels tels que [tex]01[/tex]. Alors la fonction de Weierstrass

[tex]\large W(x)=\sum_{k=0}^{+\infty}a^k \cos \left(b^k\pi x\right)[/tex]

est continue et nulle part dérivable sur [tex]\mathbb{R}[/tex].

La continuité s'obtient facilement, car la convergence est uniforme. Pour la non-dérivabilité, il y a (beaucoup) plus du travail. On trouvera une preuve partielle (pour [tex]ab>1+\frac{3}{2}\pi[/tex] et b entier impair) à la page 22 de ce mémoire : Continuous Nowhere Differentiable Functions. Du reste, ce document contient de nombreux autres contre-exemples de fonctions continues mais nulle part dérivables.

Cordialement.

Fonctions infiniment derivables non analytiques

En physiques (ou en sciences de l'ingenieur) il est souvent utiles de faire un developement limite d'une fonction puis de l'approcher, localement, par son DL (a un certain ordre).
Soit
[TEX]f : x o e^{-\frac{1}{1-x^2}}[/TEX] sur [TEX]]-1,1[[/TEX]
[TEX]f : x o 0[/TEX] ailleurs.

Il est facile de voir qu'elle est infiniment derivable et qu'en 1 et -1, toutes ses derivees sont nulles.
[TEX]0=f^{(0)}=f^{(1)}=...=f^{(n)}=...[/TEX]
Pourtant, elle n'est pas nulle autour de 1. Approcher une telle fonction par son DL, C'est faire une erreure relative infinie !

Salut

Anneau intègre noetherien non factoriel

L'anneau [TEX]\mathbb{Z}[i\sqrt{5}][/TEX] est intègre, noetherien, mais non factoriel. En effet, l'unicité de la décomposition en facteurs premiers y fait défaut :

[TEX]9 \, = \, 3 imes 3 \, = \, (2+i\sqrt{5})(2-i \sqrt{5})[/TEX]

et les éléments [TEX]3[/TEX] et [TEX]2+i\sqrt{5}[/TEX] ne sont pas associés, c'est-à-dire qu'ils ne se déduisent pas l'un de l'autre par multplication par un élément inversible de l'anneau.

Pour ce qui concerne le caractère noetherien, il suffit de remarquer que cet anneau est isomorphisme à l'anneau quotient [TEX]\mathbb{Z}[X]/(X^2+5)[/TEX], qui, en vertu du théorème de Hilbert, est noetherien.

Un cas où la décomposition de Dunford ne fonctionne pas

Plaçons nous dans le corps [TEX]K = \mathbb{Z}/3\mathbb{Z}(t)/TEX, et considérons la matrice suivante :

[TEX]A = \left(\begin{array}{ccc} 0 & 0 & t \ 1 & 0 & 0 \ 0 & 1 & 0 \end{array}\right)[/TEX]

Supposons qu'il existe une matrice diagonalisable D et une matrice nilpotente N qui commutent telles que A = D+N. Dans ce cas, le spectre de D est égal au spectre de A. Déterminont ce spectre : le polynôme caractéristique de A vaut

[TEX] P_A(X) \, = \, X^3 -t [/TEX]

Notons [TEX]\alpha[/TEX] une racine de ce polynôme ; elle vérifie [TEX]\alpha^3 = t[/TEX], et donc, au vu de la caractéristique, on a

[TEX]P_A(X) \, = \, (X -\alpha)^3 [/TEX]

Le nombre [TEX]\alpha[/TEX] est donc racine triple du polynôme caractéristique. Ainsi, D est diagonalisable et n'a qu'une seule valeur propre : c'est donc une matrice scalaire. Puisque [TEX]\alpha[/TEX] n'appartient pas à K, D n'appartient pas à [TEX]M_n(K)[/TEX] et ainsi la décomposition de Dunford échoue sur ce corps pour cette matrice.

La raison principale pour laquelle la décomposition ne fonctionne pas dans ce corps est que K n'est pas un corps parfait, c'est-à-dire qu'il existe des polynômes irréductibles à coefficients dans ce corps qui ont des racines multiples dans une extension. Les corps finis ou les corps de caractéristique nulle sont quant à eux parfaits, ce qui explique que la décomposition fonctionne dans ces corps.

Un ensemble connexe mais non connexe par arcs

Soit [TEX]X[/TEX] le graphe de la fonction [TEX]\large f: x\rightarrow \sin\frac{1}{x}[/TEX], c'est-à-dire la partie de [TEX]\mathbb{R}^2[/TEX] définie par [TEX]X=\left{(x,y)\in\mathbb{R}^2, \; y=\sin\frac{1}{x}\right}[/TEX].

L'adhérence [tex]\overline{X}=X\cup{0} imes[-1,1][/tex] de [TEX]X[/TEX] est connexe (comme adhérence d'une partie connexe) mais n'est pas connexe par arcs (il n'existe par exemple pas de chemin entre un point de [TEX]X[/TEX] et un point de [TEX]{0} imes[-1,1][/TEX]).

Cordialement.

Un ensemble connexe mais non connexe par arcs (bis)

On considère la courbe [TEX]\Gamma[/TEX] repérée par l'équation polaire [TEX]\rho( heta)=1-\frac{1}{ heta}[/TEX] pour [TEX] heta \geq 1[/TEX] et son cercle asymptotique C(O,1).
Alors [TEX]\Gamma \cup C(O,1)[/TEX] est connexe mais pas connexe par arcs.

Espace localement compact non séparé

X=R U {O'} muni de la topologie suivante :
1) tous les ouverts de R sont des ouverts de X
2) tous les ouverts de la forme suivante U{0} U {0'} où U est un ouvert de R contenant 0.

Séries convergentes mais dont le produit de Cauchy ne converge pas

Considérons la série de terme [TEX]a_n=\frac{(-1)^n}{\sqrt{n}}[/TEX], [TEX]n \geq 1[/TEX].
Elle converge car c'est une série relevant du critère spécial des séries alternées.

Le produit de Cauchy de cette série par elle-même est une série de terme [TEX]w_n=\frac{2(-1)^n}{\sqrt{n}} + \sum_{k=1}^{n-1} \frac{(-1)^n}{\sqrt{k(n-k)}[/TEX].
Pour le premier terme, la série converge mais pour le second, elle diverge grossièrement. Donc le produit de Caucy diverge.

Fonction intégrable sur [TEX]\mathbb{R}^+[/TEX] mais admettant une sous-suite tendant vers [TEX]+\infty[/TEX]

La fonction [TEX]f : x \rightarrow \frac{e^x}{1+e^{4x}\sin^2x}[/TEX] est intégrable sur [TEX]\mathbb{R}^+/TEX mais [TEX]f(n\pi)[/TEX] tend vers [TEX]+\infty[/TEX] quand n tend vers [TEX]+\infty[/TEX].

Corps de caractéristique finie mais de cardinal infini

[TEX]\mathbb{Z}/_{2\mathbb{Z}}(X)[/TEX] est un corps de caractéristique deux ([TEX]2 imes\overline{1}=0[/TEX]) mais de cardinal infini (les X[EXP]n[/EXP] sont deux à deux distincts et sont dans ce corps).

Une fonction continue de la boule unité dans elle-même n'admettant aucun point fixe

Le théorème de Brouwer assure que toute fonction continue de la boule unité de R[EXP]n[/EXP] dans elle-même admet un point fixe. Plus généralement, on peut remplacer "boule unité" par "convexe compact non vide".

Le résultat est faux en dimension infinie : par exemple, si E désigne l'ensemble des suites réelles TEX_{n \in \mathbb{Z}}[/TEX] de carré sommable, muni de la norme

[TEX]||u|| \, = \, \displaystyle \sum_{- \infty}^{+ \infty} \ u_n^2[/TEX]

et B la boule unité fermée de E, alors l'application T définie par

[TEX]T(u)n = \left{ \begin{array}{ll} u{n-1} & si\ n
eq 0 \ u_{-1} + (1-||u||) & sinon \end{array} \right [/TEX]

est continue, vérifie [TEX]T(B) \subset B[/TEX] et n'a pourtant aucun point fixe.

Exemple de polynômes non nuls admettant un nombre de racines strictement supérieur à leur degré

Considérons [TEX]P \in \mathbb{Z}/{4\mathbb{Z}}[X][/TEX] défini par P=2X-2X². Alors tout élément de [TEX]\mathbb{Z}/{4\mathbb{Z}}[/TEX] annule P. Ceci vient du fait que [TEX]\mathbb{Z}/_{4\mathbb{Z}}[/TEX] n'est pas un corps et que nous ne pouvons pas utiliser la division euclidienne.
Pire, Q=X²-1 admet une infinité de racines dans le corps (non cmmutatif) des quaternions.

Dans la catégorie des ensembles, tout morphisme, c’est-à-dire dans ce cas-ci toute fonction, simplifiable à droite, est une surjection.

Soit en effet f une fonction de A dans B, telle que pour tout C, et pour toutes fonctions g, h de B dans C, gf = hf entraîne g = h.
Alors f est surjective. Dans le cas contraire, il devrait exister y élément de B tel que pour tout x élément de A, f(x) ≠ y. On peut trouver un ensemble C et deux fonctions g, h de B dans C, telles que g(z) = h(z) pour tout z différent de y, et g(y) ≠ h(y). On a alors gf = hf, pourtant g ≠ h, ce qui contredit l’hypothèse. Donc pour tout z élément de B, il existe x élément de A tel que f(x) = z.

Il en va de même dans beaucoup d’autres catégories, comme celle des espaces vectoriels finidimensionnels sur un corps K, et d’autres.

On pourrait s’attendre naïvement à ce que ce soit vrai en général, mais il n’en est rien, comme le prouve l’exemple suivant : soit, dans la catégorie des anneaux intègres (sans diviseurs de zéro), l’injection « canonique » de Z (anneau des entiers relatifs) dans Q (anneau des rationnels). Il est clair que ce n’est pas une surjection. Pourtant elle est simplifiable à droite. Dans ce cas-ci, la simplifiabilité à droite signifie que tout homomorphisme d’anneau de Q vers un anneau intègre est entièrement déterminé par son action sur les entiers relatifs. (Bien que la démonstration soit élémentaire, ça surprend toujours quand on le dit.)

En effet, soient deux homomorphismes g et h de Q dans un autre anneau intègre, tels que pour tout entier relatif z, g(z) = h(z). Alors, si q est un rationnel quelconque, il existe un entier k tel que kq est élément de Z. On a donc

g(kq) = h(kq) (hypothèse)
g(kq) = g(k)g(q)
h(kq) = h(k)h(q) (puisque g et h sont des homomorphismes)
g(k) = h(k) (hypothèse)

d’où

g(k)g(q) = g(k)h(q)

ce qui implique, puisque l’anneau est intègre, g(q) = h(q). Les deux morphismes sont donc identiques. Ce qui prouve que l’injection « canonique » de Z dans Q est simplifiable à droite, bien que non surjective.

Un contre-exemple à l'unicité des solutions pour une équation différentielle ordinaire

Le théorème de Cauchy Lipschitz affirme l'existence et l'unicité de la solution d'une EDO du type
[TEX]\right{\begin{array}{ll} y'(t) = f(t,y(t)) \ y(0) = y_0 \end{array}\left.[/TEX]
dès lors que f est lipschitz en la deuxième variable.

Le théorème de Péano affirme l'existence d'une solution à une telle EDO dès que f est continue. Cependant, l'unicité n'est plus assurée, et c'est l'objet de ce post.

En effet, prenons l'équation
[TEX]\right{\begin{array}{ll} y'(t) = 2 \sqrt{y(t)} \ y(0) = 0 \end{array}\left.[/TEX]
Alors nous avons la famille de solutions suivante :
[TEX]y_a(t) = (t-a)^2[/TEX] pour t > a>0 et nulle pour t<a.

__
rvz

Fonctions de classe [TEX]\mathcal{D}^n[/TEX] mais pas [TEX]\mathcal{D}^{n+1}[/TEX]

Considérons la fonction [TEX]f_{2n} : \mathbb{R} \longrightarrow \mathb{R}[/TEX] définie par [TEX]f_{2n}(x)=x^{2n-1}\sin(\frac{1}{x})[/TEX] et f(0)=0.[TEX] f_{2n}[/TEX] est de classe [TEX]\mathcal{D}^n[/TEX]
sur [TEX]\mathbb{R}[/TEX] mais pas [TEX]\mathcal{D}^{n+1}[/TEX].

Espace de Baire non complet

Une version du célèbre théorème de Baire affirme que tout espace métrique complet est un espace de Baire (toute intersection d'ouverts denses est un ouvert dense ou encore toute réunion de fermé d'intérieur vide est un fermé d'intérieur vide). Cependant la réciproque n'est pas vrai: on peut montrer que [TEX]\mathbb{R}\setminus\mathbb{Q}[/TEX] muni de la distance usuelle est un espace de Baire bien que non complet.

p.s: merci à evariste_galois et à l'Elément d'Analyse Fonctionnelle de Hirsch et Lacombe.

*Une application continue, bijective à réciproque non continue *

L'application [0 , 2Pi[ -> S^1 (le cercle unité de C) qui à un angle t associe exp(it)

Exemple d'un homéomorphisme de classe [TEX] \mathcal{C}^1[/TEX] qui ne soit pas un [TEX] \mathcal{C}^1[/TEX]-difféormorphisme

Considérons la fonction f définie sur [TEX]\mathbb{R}[/TEX] par f(x)=x[EXP]3[/EXP]. C'est une fonction continûment dérivable, bijective de réciproque racine cubique. Cette fonction réciproque n'est cependant pas de classe [TEX]\mathcal{C}^1[/TEX] car elle n'est pas dérivable en 0.

Fonction jamais monotone

Cet exemple s'appelle la courbe de Bolzano et est une courbe "fractale". On considère f[IND]0[/IND]=Id sur [0,1] puis pour n [TEX]\in \mathbb{N}[/TEX], on considère la fonction f[IND]n+1[/IND] définie sur [0,1] par:

[TEX]f{n+1}(\frac{k}{3^n})=f_n( \frac{k}{3^n})[/TEX]
[TEX]f{n+1}(\frac{k}{3^n}+\frac{1}{3^{n+1}})=f_n(\frac{k}{3^n}+ \frac{2}{3^{n+1}})[/TEX]
[TEX]f{n+1}(\frac{k}{3^n}+\frac{2}{3^{n+1}})=f_n(\frac{k}{3^n}+ \frac{1}{3^{n+1}})[/TEX]
_ f[IND]n+1[/IND] est affine sur chacun des intervalles [[TEX]\frac{k}{3^{n+1}},\frac{k+1}{3^{n+1}}[/TEX]].

Alors la limite de cette suite de fonctions est une fonction continue, en aucun point dérivable et monotone sur aucun sous-intervalle de [0,1].